Chez Martine ' prête-moi ta plume', sur le thème : je me souviens
Je me souviens d’un rêve.
A peine l’avais-je touché qu’il était devenu ma propriété.
Dès l’aube, les yeux encore humides de lui, je voulais l’immortaliser
C’était une nuit d’hiver où je me promenais à travers bois. Le sentier était jonché de rosée blanche, ainsi que de neige, tant épaisse sur les arbres, qu’elle en faisait ployer les branches
Oh ! Que de révérences sur mon passage !
J’ignorais le froid, bercée par la féerie du lieu, et le mutisme de la nuit m’entourait doucereusement. Même les toiles d’araignées, perlées d’argent dansaient à ma rencontre, quand soudain, derrière moi un bruissement. Des pas lents, si lents, que si je n’avais senti à travers eux la difficulté d’une marche, certes, j’aurais eu peur.
Mais accompagnés semble-t-il d’une canne, en percussion régulière, puis d’une voix, ils me rassuraient :
-« Avance et suis ce chemin, sans te retourner, surtout ne te retournes pas »
Cette élocution, soudaine, oui, me confortait, car ce timbre là, je le connaissais aussi.
-« Père, c’est toi ? », osais-je demander
-« Oui, c’est moi, derrière toi. Ne pose pas de questions si tu veux perpétuer cet enchantement. Je suis bien vieux maintenant et peine avec mes savates percées, mais je voudrais te guider jusqu’à la cabane au fond du bois. C’est en elle que je vis avec ta mère, et quelques êtres chers que tu as connus ».
Le mystère piquait ma curiosité, et je pénétrais dans la virginité de la nuit, peu à peu bercée par des chants. Maintes lumières se mêlaient progressivement aux cieux, pareilles à des feux d’artifice éclatants par les fenêtres que je discernais. Mon cœur battait la chamade. Tous, ils étaient tous là, ma mère surtout, qui, je le savais, avait bel et bien retrouvé mon père, ...et ils dansaient, et ils chantaient, et ils faisaient bombance, mais leurs visages restaient masqués par un loup noir à ma grande désolation
-« ta mère est là, me disait-il »
Mais sous quel déguisement, tous habillés de guenilles sombres et traînantes au sol qu’ils étaient ?
De chaudes larmes inondaient mon visage, de bonheur à les entendre, mais aussi la gorge nouée à ne pouvoir pénétrer dans ce chalet, à ne pouvoir les embrasser, à ne pouvoir les discerner. C’était un ordre de mon père pour ne pas détruire cet envoûtement
-« chaque fois que tu voudras nous voir, nous entendre, puisses-tu suivre ce chemin à la nuit tombée, à la même heure »m’avait-il répété
Comme une promesse, avec la même émotion, je refaisais ce même chemin
Seulement des voix, des formes dans un décor fantasmagorique, aussi mes parents étaient là !!
J’avais relevé un haïku d’Issa. En le relisant il suffisait d’ouvrir une page jaunie d’un cahier pour comprendre, que cette nuit-là, j’avais perçu le chemin de paradis…et vingt ans plus tard, je m’en souvenais encore
Mamylilou
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Par la rosée blanche
le chemin du paradis
peut être perçu
Issa