" Tu peux rester là, tu ne me gênes pas".
Et je pouvais rester, et il serait lui-même rester à me regarder durant de longues heures.
Parfois, il glissait sa main derrière l'une de mes oreilles ,remontant une mèche de cheveu rebelle échappée de mon chignon.
Il savait saisir chacune de mes expressions qui naissait sur mon visage, et comme une enfant sage , je m'émerveillais à la douceur de son geste , à l'éclat de ses yeux d'une limpidité émouvante.
C'était un grand silence , aussi respectueux que pouvait emporter l'illusion, car il n'y avait aucune parole, ni autre attention, et pourtant je me complaisais à espérer ...
Quelques années passées , à me regarder dans le même rituel.
Un matin, dans la glace , épilant mes sourcils , un cil tout blanc : hérissé , dévergondé , venait sournoisement se blottir parmi d'autres toujours bruns.
Isurte, je vous le dis.
D'un geste brut, je l'arrachais .
Et j 'entendais la voix :
" Tu peux rester là, tu ne me gênes pas" ..
Mais je ne pouvais ce petit rabougri ,le regarder, et le laisser là, car à son tour il m'interpellait bien désagréablement
Combien de temps avais-je déjà attendu ces non-dits , étouffé des émois, qui m'avaient fait oublier mon âge , trop longtemps sans doute pour comprendre qu'il y avait grande tendresse après l'amour et qu'après elle, l'amitié emboîtait le pas
Un petit cil blanc , soudain, venait d'emporter tous mes rêves.
Restait une présence , qui à son tour continuait de longues heures à regarder dans le plus grand des silences ,une vie consumée.
Il est un moment où l'un des chemins ne suit plus l'autre , et comme une perle de rosée, l'oeil s'humidifie de voir encore ,et de ne plus être.
Mamylilou-Lilounette